(N.B. : je suis à peu près persuadé d'avoir lu dans un coin que l'hypocrisie de Haruhi.fr en la matière était parfaitement assumée, je pars donc du principe que le terme de "tartufferie" et plus loin celui de "duplicité" ne seront pas mal pris. Si vous les prenez comme des insultes, c'est une mauvaise interprétation de mes intentions.)Légifrance définie la piraterie comme « détournements d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport » :
Article 224-6
Le fait de s'emparer ou de prendre le contrôle par violence ou menace de violence d'un aéronef, d'un navire ou de tout autre moyen de transport à bord desquels des personnes ont pris place, ainsi que d'une plate-forme fixe située sur le plateau continental, est puni de vingt ans de réclusion criminelle.
Ça n'a pas grand rapport avec mon propos, mais ça fait toujours bien de citer Légifrance.
S'il vous arrive de naviguer quelques peu sur d'autres sites internet, vous avez peut-être entendu parler d'un projet de loi français appelé "création et internet" ou "HADOPI", entres autres surnoms charmants. C'est une histoire tout à fait passionnante de surréalisme qui n'en est pas à son
dernier rebondissement, mais ce n'est pas (non plus) mon sujet.
Les débats qui ont entouré l'accouchement dans la douleur de cette loi ont porté sur l'anachronisme des législations sur les droits d'auteur à notre époque de diffusion de masse via internet. Peut-être vous ont-il vous même inspiré une réflexion plus ou moins approfondie sur la question. Vous êtes cordialement invité à nous en faire profiter ici même.
Pour recentrer le sujet sur le cas particulier de notre mélancolique favorite, nous avons ici affaire à une œuvre dont le succès mondial se battis quasi-exclusivement sur des moyens considéré (cela pourrait faire l'objet d'un autre débat) comme illégaux. De ce fait, on pourrait s'attendre à un certain militantisme de la part de son fan-club en faveur d'une modernisation des législations en vigueur et de leur adaptation au schéma de diffusion qu'a emprunté l'objet de leur admiration. (Passons sur l'idée qu'un tel militantisme pourrait faire accéder au statut de "groupe politique" l'association à qui elle manque, parait-il, pour rendre les dons en sa faveur déductibles.
Hey ! Il y a des pirates au parlement européen !)
Ce n'est clairement pas le cas ici. Posons l'hypothèse qu'une telle duplicité soit une condition fondamentale aux relations cordiales entretenus par les maîtres de céans avec
le diable des éditeurs comme Hachette ou Kaze. Il reste un fossé titanesque entre une application bête et basique de la législation en vigueur et la répression agressive à laquelle j'ai eu l'occasion d'assister. Même si c'est à la mode, la police n'est pas obligé de tabasser les contrevenants pour faire respecter la loi.
Mais trêve de chouinneries : mettons tout cela sur le compte du stress de la préparation de la Japan Expo, attendons de voir si l'ambiance locale s'améliore passé le 5 juillet. En attendant, la suggestion du mois sera :
restez cool, pensez à respirer, et gardez un minimum d'humour, parce que sans ça tout est foutu d'avance. Si vous comptez "sauver le monde en l'inondant de fun", n'oubliez pas le fun en route.Pour en revenir à mon sujet de réflexion, tentons d'exposer clairement le problème : (ce qui suit se base globalement sur l'idée d'une œuvre écrite, la plus familière pour moi, mais s'applique sans trop de modifications à toute œuvre musicale, vidéo ou autre.)
* Au début est la Création. Le Créateur, devant son œuvre achevée, se dit "Boarf, c'est pas encore terrible, mais allez, faut bien que je mange, j'envoie ça à l'éditeur". Car le Créateur, en bon artiste torturé, est son propre pire critique et n'est jamais totalement satisfait de ce qu'il fait ; tout au plus peut-il se convaincre de son talent à travers la reconnaissance de son public.
* L'éditeur, qui a senti le bon filon mais ne veut pas non plus faire miroiter trop d'espoir au Créateur, des fois qu'il lui prendrait l'idée folle de se faire payer un prix raisonnable pour sa contribution créative, fait signer un contrat au Créateur qui lui cède ses droits en échange d'un dérisoire pourcentage sur les ventes.
Ce pourcentage dérisoire est appelé « droit d'auteur ». Il a été créé pour empêcher l'éditeur de faire son beurre sans jamais rien reverser au Créateur ; et avant ça, ce ne sont pas les scrupules qui empêchait l'éditeur de dormir : le Créateur vendait son manuscrit, et ne touchait plus jamais un sous dessus quelque soit le succès d'édition. Et souvenez-vous : en général, c'est l'auteur lui-même qui sous-évalue le plus la valeur de ce qu'il a produit...
Les droits d'auteur ont donc été créé pour protéger les auteurs contre les éditeurs. Notez-le bien, c'est important.
* Autrefois, l'éditeur était à peu près le seul moyen pour le Créateur de diffuser ses création et d'espérer rencontrer l'estime et la reconnaissance du public, qui peuvent lui permettre de se convaincre de la valeur de son travail – mais trop tard, il l'a déjà vendu pour un prix ridicule. Il peut toujours essayer de déclamer son œuvre dans la rue, mais c'est moins pratique, ça touche moins de public, on risque l'extinction de voix, et puis surtout tant qu'on fait ça, on n'est pas en train de réaliser la prochaine.
* Vous voyez où je veux en venir : aujourd'hui, l'éditeur n'est plus du tout un passage obligé entre le Créateur et son public. Au contraire, dans certains cas (dont celui qui nous préoccupe), il joue un rôle de goulet d'étranglement pour
ralentir l'accès à l'œuvre. Et la réflexion devrait alors naturellement se porter sur deux point essentiels : comment rétribuer convenablement le Créateur dont l'œuvre se diffuse à un rythme et dans des quantités difficilement mesurable ? Et que faire de ces damnés éditeurs qui risquent de disparaître ?
Mais au lieu de cela, la question que l'on se pose est : comment bloquer la technique pour revenir au bonnes vieilles méthodes, comment empêcher Créateur et public de se toucher sans passer par
le proxénète l'éditeur ? Et c'est ainsi que l'on se sert à présent des législations sur le droit d'auteur pour protéger les éditeurs du public, voir pour monter les Créateurs contre leur public. Vous vous souvenez du but initial évoqué plus haut, n'est-ce pas ? N'est-ce pas parfaitement absurde ?
Pour tenter de répondre aux deux questions, je commencerais par la seconde : que faire des éditeurs ?
A vrai dire, je suis persuadé que des éditeurs intelligents peuvent parfaitement survivre en poursuivant le commerce d'objet culturels en tant que ce qu'ils en ont fait : des objets de luxe. Combien parmi nous ont sans compter et sans frémir versé une petite fortune pour un pauvre morceau de plastique contenant tout juste trois épisodes de vingt-cinq minutes
qu'ils avaient déjà vu ? Il faudrait sans doute adapter un peu, créer une véritable valeur ajoutée, peut-être une boite en métal, un livret d'illustrations plutôt qu'un catalogue publicitaire, que sais-je... Mais bien sûr, on parle ici d'éditeurs intelligents, pas d'industriels anachroniques qui se mettent à traiter leurs clients de criminels, voleurs, violeurs, dealeurs, trafiquants, pirates et autres noms d'oiseaux alors qu'ils continuent à gagner des sommes indécentes sur le travail de Créateurs si mal rétribuées... Ceux-la se condamnent eux-même, n'en parlons plus.
Quand à la première question, "
comment rétribuer convenablement le Créateur dont l'œuvre se diffuse à un rythme et dans des quantités difficilement mesurable ?", c'est bien sûr la plus difficile et la plus complexe. La réponse la plus simple et la plus évidente est de laisser le public rétribuer lui même le Créateur, en fonction de son appréciation et de ses moyens. Certes, cela implique de faire confiance au public, et peut-être cela ne rapportera-t-il pas grand chose. Mais après tout, l'alternative est de faire confiance à un éditeur, et on est alors sûr que ça ne rapportera pas grand chose comparé à la valeur du travail créatif...
Si vous souhaitez mettre ça en pratique, vous pouvez m'envoyer une rétribution pour ce message ; vous pouvez aussi aller visiter puis adopter
Jamendo.
Et puis, une petite citation pour conclure :
Kyon : Que fais-tu ici ?
Haruhi : C'est pas évident ? J'enfreins la loi.
(Mais bien sûr, personne ici n'a regardé ou ne compte regarder cet épisode. Quel épisode, d'ailleurs ? C'est une cousine du beau frère de ma boulangère qui m'a transmis la citation, je ne sais même pas de quoi je parle.)